Le Label EPV entre dans une nouvelle ère

À l’occasion de l’Assemblée Générale de l’association des Entreprises du Patrimoine Vivant (EPV) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, les membres ont abordé les défis majeurs auxquels le label est confronté.

31 entreprises de la région ont reçu leur diplome du label EPV, le mercredi 22 mai des mains de la Préfète.

La réunion, marquée à la fois par une atmosphère de réflexion et de questionnement, mais également par l’émotion dégagée par l’enthousiasme et l’énergie des chefs d’entreprises, a mis en lumière les profondes mutations que traverse le label EPV avec le changement de gestionnaire. Les discussions ont révélé une situation préoccupante : en quatre ans, le nombre d’entreprises labellisées a chuté de 1400 à 1034. Ce constat contraste fortement avec l’objectif gouvernemental ambitieux de porter ce chiffre à 2500 d’ici deux ans.

Un label qui traverse une crise

Les délais d’instruction des demandes, désormais de plus de 18 mois contre six précédemment, illustrent les dysfonctionnements. De plus, l’absence de suivi adéquat a conduit à la perte de nombreuses entreprises labellisées faute de renouvellement. Plus préoccupante encore est l’apparition de contentieux dus aux refus de dossiers. Enfin, la mise en place d’un coût financier conséquent, opaque et maladroitement justifié, pour la demande de label (gratuit jusqu’en 2020) a créé l’incompréhension et le désengagement de très petites entreprises historiques pour le label EPV.

La suppression du comité de labélisation par l’État et la baisse des moyens alloués à la gestion du Label (qui est pourtant un label d’État), l’exclusion des chambres consulaires dans le sourcing et les audites des entreprises, le changement de process de labélisation et les injonctions contradictoires ont complexifié les procédures et brouillé le sens et la communication auprès des entreprises.

Par ailleurs, le label, autrefois porteur d’avantages spécifiques tels que des missions à l’export et des crédits d’impôt, a été vidé de ses bénéfices. La récente volonté d’intégrer des critères de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), alors que des dispositifs existants suffisent, n’a fait qu’alourdir le cadre de certification sans apporter de bénéfices tangibles aux entreprises. L’urgence est maintenant de clarifier et renforcer les critères liés au développement de savoir-faire rares, à la mission de transmission (formation), et à la valorisation du patrimoine économique, afin de transformer ces critères en axes de performance et de faire du label un processus d’excellence.

Grégory Laurent [Les Etains de Lyon] Président de l’association régionale des EPV depuis 4 ans

Des initiatives locales essentielles

C’est en région qu’est venu le salut du label. Ces quatre dernières années ont vu l’émergence de nombreuses initiatives collectives locales. Grâce aux associations régionales et à l’engagement de leurs membres, les entreprises EPV ont pu bénéficier de moments d’échanges et de collaboration. La région Auvergne-Rhône-Alpes se distingue avec la réussite du salon des EPV en 2022 et quatre rencontres départementales, illustrant une dynamique locale forte. C’est aussi des régions qu’est venue l’initiative de redéfinir la communication et la valorisation du label EPV.

Vers une fédération des EPV

Les discussions ont également mis en avant la nécessité d'une restructuration au niveau national. Un projet de Fédération est en préparation, avec la promesse d’un nouveau nom pour ce réseau d’excellence. Cette réorganisation vise à redonner au label EPV la vision et la valeur qu’il mérite.

Un engagement institutionnel renouvelé

Fabienne BUCCIO, Préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, présente à l’assemblée, a exprimé son soutien enthousiaste. Touchée par l’engagement des entreprises, elle s’est spontanément impliquée en annonçant son intention de soutenir les initiatives spécifiques pour le développement des filières EPV, notamment celle de la laine. Elle a également évoqué la mise en place d’initiatives de valorisation des EPV auprès du grand public.

Un défi à relever pour le nouveau gestionnaire

Le nouveau gestionnaire du label, SGS, qui a repris la gestion d’un label le mois dernier, ainsi que les réseaux EPV, ont devant eux le défi de revitaliser le label et de renforcer son attractivité. Il est crucial de redonner une Raison d’être et une ambition au label en s’appuyant sur le travail remarquable réalisé par les associations. La combinaison d’un engagement régional fort, de critères et d’un processus de label plus clairs et sécurisés, ainsi qu’une vision nationale (et internationale) ambitieuse, pourrait bien marquer le début d’une nouvelle ère pour les Entreprises du Patrimoine Vivant.

Conclusion

l’Assemblée Générale des EPV de la région Auvergne-Rhône-Alpes a été l’occasion de dresser un état des lieux clair, de mettre en lumière les engagements des membres et de poser les jalons pour un futur plus prometteur. Les entreprises EPV, soutenues par leurs associations régionales et nationales, fortes de leur travail depuis quatre ans, doivent désormais se sentir légitimes pour bâtir l’avenir du label et impulser les actions nécessaires pour relever les défis actuels et redonner au label EPV toute sa grandeur et son sens.


Origine, gestion et organisation du Label EPV (Label d’Etat)

Créé en 2005 par Renaud Dutreil, alors ministre des PME, le label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) avait pour vocation d’identifier, valoriser et accompagner les entreprises françaises de toutes tailles possédant des savoir-faire rares et d’excellence pour lesquels il n’existait pas ou plus de formation. L’objectif était de mettre en valeur ce soft power économique français, constitué de milliers d’artisans et de PME qui maintiennent et entretiennent des savoir-faire précieux. Ce réseau de millier d’entreprises sous-traitante ou elles même manufacturières, contribue très largement, aujourd’hui, au succès de grandes maisons de luxe, de constructeurs aéronautiques renommés, et sont essentielles pour des chantiers emblématiques comme la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame. Seule la France et le Japon (dont le modèle EPV s’est inspiré) ont mis en place un tel dispositif de valorisation et développement des savoir-faire rares.

Ce label est attribué aux entreprises pour une durée de cinq ans, à l’issue de laquelle elles doivent renouveler leur demande et prouver qu’elles ont préservé et développé leurs savoir-faire durant la période de labellisation.

La gestion du label, comprenant les aspects administratifs, la gestion des dossiers des entreprises et l’audit des candidats, est confiée par l’État à un prestataire indépendant sélectionné sur appel d’offres. De 2005 à 2020, c’est l’Institut Supérieur des Métiers (ISM) qui en a assuré la gestion, suivi de l’Institut National des Métiers d’Art (INMA) de 2020 à 2024. Le dernier appel d’offres lancé en janvier 2024, a retenu la candidature groupe SGS et lui en a donc confié la gestion pour une durée de quatre ans.

Depuis sa création, une association nationale regroupant les entreprises labellisées EPV a pour mission d’animer et de développer les liens et les synergies entre ces entreprises. En 2020, des associations régionales se sont constituées pour dynamiser les actions au niveau territorial, renforçant ainsi la cohésion et la visibilité des EPV sur l’ensemble du territoire français.

C’est la DGE, Direction Générale des Entreprises, qui a la « tutelle » du Label EPV


L’Esprit des EPV

“Faire toujours mieux, avec moins, depuis des générations”

jean pivard - Four le panyol

 

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